Qu’en pense le psy ?

Makis Chamalidis est psychologue du sport. Il intervient auprès de nombreuses fédérations sportives et athlètes de haut niveau. Il est co-auteur avec François Ducasse de « Champion dans la tête » aux éditions de l’Homme.

Suite à plusieurs questions qui nous sont posées et que nous nous posons nous-même, nous avons demandé à Makis de nous aider à réfléchir et à faire les bons choix.

Makis, quels sont les principaux conseils que tu peux donner aux personnes inquiètes par les attentats qui n’osent plus sortir dans des lieux potentiellement à risques?

Il faut basculer vers la dimension objective. Statistiquement il est plus risqué d’avoir un accident en traversant la rue. Aujourd’hui, il est important d’avoir une bonne raison pour ne plus sortir de chez soi et il est possible de s’organiser afin de se rassurer. Par exemple, en allant au restaurant, on peut choisir de ne pas tourner le dos à la porte, ou d’avoir une place qui permette de voir ce qui se passe. Ce sont de petits ajustements à apporter qui permettent de mieux vivre.

Existe-t-il des techniques pour éviter de laisser une angoisse s’installer ?

Il n’existe pas de technique particulière. Le choix d’une technique est lié à chaque individu et à ses mécanismes de défense qui lui sont propres. Ce qui est important avec une angoisse c’est de l’identifier, la nommer Par exemple : « J’ai peur de perdre un proche » ou « j’ai peu d’être victime d’un attentat ». La réaction irrationnelle sera de se tourner vers la foi et la réaction psychologique sera de trouver des parades mentales pour se rassurer. Chacun utilise la technique qui le rassure le plus, c’est très personnel.

Des Parisiennes hésitent à s’inscrire ou à venir courir La Parisienne cette année, nous les comprenons. Peux-tu les aider à se poser les bonnes questions ?

Aujourd’hui il est essentiel de trouver du sens à vivre dans un contexte qui évolue. La question à se poser est la suivante : « Au nom de quoi je devrai renoncer au projet de courir La Parisienne si cela fait perdre tout son sens à mon projet ? C’est à dire dans la mesure où j’ai pris du plaisir à me préparer et où je prends du plaisir à participer à ce projet avec des amies/collègues….».

Le sens des choses c’est aussi celui de pouvoir se projeter dans le futur. Nos objectifs personnels peuvent êtres liés à un mouvement collectif, c’est le cas des grandes finales sportives telles que l’Euro il y a quelques semaines. Nous pourrions comparer la situation des Parisiennes à celle des athlètes qui participent aux Jeux Olympiques de Rio cet été. Ils se sont préparés durant 4 ans en réalisant des sacrifices, des surcharges d’entraînements et d’un coup, par peur qu’il y ait un attentat, ils abandonneraient ? Ce la ferait perdre tout son sens à leur projet de participer à cet événement ?

C’est un match entre l’envie d’être et le sens de l’aboutissement d’une aventure, contre la peur d’un acte terroriste. En psychologie c’est toute la dualité qui existe entre l’ange qui nous dit « vas-y » et le diable qui nous dit « n’y va pas » ! L’être humain est sans cesse dans ce conflit terrible entre le diable qui nous tire vers le bas et nous fait culpabiliser, et l’ange qui nous tire vers le haut, nous fait avancer.

Les gens veulent être rassurés, nous aussi. Nous voudrions entendre des promesses de sécurité, mais cela est-il possible ?

Il est évident qu’on ne peut pas tout contrôler. Mais on peut tirer les conséquences de l’expérience vécue et élaborer des plans à mettre en place au cas où. C’est le rôle de la Préfecture de Police en charge de la sécurité des Parisiens et des organisateurs de La Parisienne qui sont accompagnés et conseillés par des spécialistes afin de mettre en place un dispositif de sécurité adapté.

Makis, trouves-tu des conséquences optimistes à ce que nous vivons dans le fait d’être confrontés à dominer nos peurs pour défendre notre choix de vivre libres ?

Dimanche après la course de nombreuses femmes se diront « heureusement on l’a fait, on n’a pas subi leur peur, on a imposé notre volonté ». Le sentiment de satisfaction sera bien supérieur qu’il ne l’aurait été. Ce sera un véritable sentiment de bonheur et d’accomplissement qui renforcera l’estime de chacune, mais surtout qui renforcera les relations entre des équipes de copines ou de collègues qui auront vécu un événement unique ensemble dont elles se rappelleront. Les bénéfices sont inimaginables car nous vivons une situation nouvelle.

Nous ne sommes pas tous égaux face à nos émotions. Certaines personnes sont beaucoup plus sujettes à la peur, l’angoisse. Mais nous recevons également de nombreux messages d’encouragements, de Parisiennes déterminées qui veulent faire face et refusent de céder, qui nous disent quelles seront bien présentes le 11 septembre pour lutter et s’amuser. D’autres encore se proposent de venir simplement aider à l’organisation… Comment expliques-tu ces réactions ?

Il est important de ne pas chercher à se comparer aux autres. Il faut ouvrir le dialogue entre filles d’une même équipe et échanger : « comment fais-tu pour gérer ton stress ? ». Il est important d’ouvrir le débat pour s’enrichir mutuellement et ne surtout pas culpabiliser. Si une participante d’une équipe ne veut pas participer, cela ne change rien. Par contre il ne faut pas abandonner pour de mauvaises raisons du type « elles elles y arrivent et moi non… ». Dans un groupe, chacun a une responsabilité, il faut donc l’aider à réintégrer le groupe. En sport collectif on dit « le groupe doit être plus fort que l’individu »

Témoignages de Parisiennes

Giovanna : « Je serai là…nous serons là !!! Nous sommes d’irréductibles gauloises… Go, Go, les filles !!!!!! Même en rampant… mais j’y serai. Pour Nice, Paris, Bruxelles et tout les autres !!!!! »

Agnès : «  Ne nous arrêtons pas de vivre ! Allons courir ! Et fêter les 20 ans de La Parisienne !

Une autre Agnès ! : « Ils m’auront peut-être un jour mais je ne vivrai pas cachée et dans la peur jusque là… Présence maintenue sans problème.