C’est Delphine Buisson qui pose la question dans son livre « Courir sa vie » dont nous vous proposons ici un extrait. Cette passionnée de running, entrepreneur et dirigeante de société, mère de 3 enfants, speaker sur les thèmes du self-leadership et du leadership dans un monde plus digital, réveille nos esprits. Son livre plein de vérités sur la vie puise son vocabulaire et ses images dans l’univers du running nous proposant une autre vision de la vie et du running. Bonne lecture !

Difficulté d’être manager, difficulté d’être parent, difficulté de vivre en couple une vie harmonieuse, heureuse, les statistiques sont là, décourageantes. Faut-il pour autant renoncer ?

Et s’il suffisait d’écouter une conversation entre un runner et une runneuse pour comprendre que courir ensemble n’a rien d’évident ? Se comprendre et s’accepter dans nos différences est sans doute le premier pas vers un « nous » plus simple et plus réussi.

Mars ne doute pas du fait qu’il est fait pour courir. Il court depuis toujours ! Vénus a besoin de faire ses preuves. Avant le départ de la course, elle passe beaucoup de temps à se demander si elle va être capable. Peut-elle d’ailleurs légitimement se placer sur la ligne de départ ? A-t-elle les capacités pour aller jusqu’au bout de la course et franchir la ligne d’arrivée ?

delphine-buisson-portrait-webzine1Mars se pose moins de questions. N’en déplaise à la théorie des genres, il s’inscrit volontiers. Il part devant, s’élance dehors, cours vers l’inconnu. Il ne pourra pas s’empêcher d’accélérer. Et tout naturellement, il va se trouver des compétiteurs dans un sport où la compétition est avant tout contre soi-même : Mars a besoin de se mesurer. A l’arrivée de la course, Mars survalorise sans complexe l’effort : « C’était très difficile mais j’ai tout donné, je n’ai rien lâché, je suis allé au bout. Et j’ai réussi ». Telle est sa définition du winner. Il trouvera le cas échéant à justifier une contre-performance.

Vénus franchit la ligne d’arrivée avec détermination, capable souvent d’accélérer dans la dernière ligne droite, étonnée parfois d’y être parvenue. En courant, elle attrape le goût du défi. Confortée sur ses capacités à finir, rien ne va plus l’arrêter. Plus longue à démarrer sa course, quand elle est partie, elle est partie. Plus rien ne sera alors jamais comme avant. Mars aura du mal à reconnaître la Vénus rencontrée : moins confiante en elle et plus émerveillée par lui. A l’arrivée, Vénus aura cette phrase étonnante : « Finalement, ça n’était pas si difficile » minimisant ainsi sa réussite. Sa détermination en revanche, sera sans faille. Sa force grandira en même temps que les kilomètres parcourus. Ses exigences aussi !

Pendant la course, Mars et Vénus n’ont pas non plus la même façon de courir. Mars ne se préserve pas. Il se met facilement dans le rouge. Il aime « se dépasser » ignorant l’absurdité de l’expression : comment aller au-delà de soi-même sans se brûler ? Trop souvent, il ne mange pas, ne boit pas, ne se soigne pas, ou pas assez. Il n’a pas de temps à perdre. Intégriste de l’effort, il est son pire ennemi. Et il n’est pas rare de voir, à partir du trente deuxième kilomètre, les grands garçons qui pleurent sur le bord de la route. Saisis de crampes, ils ne pourront pas repartir. Burn out. Comme dans leur vie, ils donnent tout sans penser les équilibres, reproduisant un modèle de réussite fondé sur la quantité, l’accumulation et la vitesse : « Je travaille comme un fou pendant vingt ans, ensuite je m’occuperai de ma femme et de mes enfants », « Un jour je prendrai le temps de penser à ce que je veux, vraiment ». Mars va le plus vite possible. Or la vitesse réduit physiquement notre champ de vision. Un jour, il s’aperçoit, surpris, qu’il n’est plus si jeune, plus en état de courir. Pire, il court tout seul. A force de vouloir finir premier et de se montrer le plus fort, il arrive seul sur sa ligne d’arrivée : grand, beau et fort, mais crevant de solitude. Finir en ayant tout donné signifie n’avoir plus rien à partager ensuite. Qui a envie de partager sa vie avec quelqu’un qui a déjà tout donné ?

livre-courir-sa-vie-delphine-buissonVénus se préserve involontairement : comme elle a tendance à sous-estimer ses capacités, elle s’inscrit souvent dans un SAS inférieur au temps qu’elle peut réaliser. Plus par manque de confiance en elle que par attention envers elle-même, Vénus se nourrit plus régulièrement que Mars. Ralentir ne veut pas dire pour elle, échouer ni être faible. Vénus pratique davantage l’alternance des rythmes. Il arrive pourtant, que Vénus adopte le même rythme que Mars : être grande et forte, prouver qu’elle sait faire toute seule, avancer sans se plaindre, ni réclamer. Quelle mauvaise idée !

Vénus a besoin de Mars car il est un formidable « pourquoi pas », voire un formidable mentor. Quand il nous observe, éloigné des préjugés sur nos capacités, il peut voir en nous, et avant nous, nos forces et nos possibles. Mars doit donc nous aider à devenir plus audacieuses, nous stimuler par des « cap ou pas cap ». A ceux qui se posent la question de savoir si Vénus a encore besoin de Mars, je réponds OUI. Mille fois OUI. Nous avons besoin de vous, Messieurs. En revanche la nature de nos attentes a changé. Nous n’attendons pas de Mars qu’il nous conseille, persuadé d’avoir raison et de bien faire. Nous attendons de Mars qu’il nous soutienne, qu’il soit présent pour nous, à certains moments importants pour nous. Pas besoin d’être présent tout le temps, nous aimons aussi qu’il court ses propres courses et qu’il soit notre héros ! Nous attendons de Mars qu’il nous « supporte » dans nos entreprises personnelles, y compris s’il n’adhère pas à nos méthodes – tu t’y prends mal, c’est comme cela qu’il FAUT faire. Il n’y pas toujours une seule « bonne réponse » mais plusieurs possibles.

Parce que de plus en plus de femmes prendront le départ et finiront leurs courses, d’autres seront inspirées et auront l’audace de s’inscrire.

Mars a aussi besoin de Vénus : il peut apprendre à prendre soin de lui, à sortir d’un modèle de réussite unique et imposé. A ralentir parfois pour écouter autour, autrui, et lui-même. S’écouter ne veut pas dire de plaindre. Mars peut apprendre que le mode « gloire et pouvoir » abandonné au profit d’un mode plus coopératif où chacun gagne, est plus productif, plus inclusif et plus durable.

Mars et Vénus ont surtout besoin de réapprendre à partager, à réclamer les uns des autres : Vénus doit apprendre à dire ce qu’elle veut. Mars doit apprendre à réclamer du soin et de la douceur. Il faut réinventer le « bien courir ensemble » et accepter la délicieuse dépendance, consentie comme une offrande, des uns envers les autres.

Réussir selon mars, réussir selon Vénus

Par nature ou par culture, nous courons différemment. Nous n’utilisons pas nos ressources de la même façon. Nous obtenons des résultats différemment. Là se situe d’ailleurs la richesse : dans la variété de nos comportements. Invitée dans un monde fait par Mars, Vénus n’a aucun intérêt à se travestir. Son apport ne peut consister à copier du déjà fait. Il s’agit à l’inverse d’utiliser nos différences et nos diversités pour inventer ensemble un autre monde. Courir tout seul n’est pas simple. Bien courir ensemble est encore plus compliqué.

Notre incompréhension majeure se situe sans doute dans notre vision de la ligne d’arrivée : nous n’avons pas la même perception de la réussite.
Bien courir ensemble, c’est tâcher de comprendre l’autre mais également, de comprendre ce que réussir veut dire pour l’autre. C’est aussi se mettre d’accord sur ce que « réussir ensemble » signifie.

Vénus s’interdit de tout donner : elle n’en a pas le loisir. Quand nous rentrons à la maison, il faut nous occuper des autres et de mille autres tâches. Cette vision de la réussite est plus récente chez Mars, habitué à mener une course à la fois, jusqu’au bout de lui-même. Les jeunes générations appréhendent davantage la réussite comme une gestion des équilibres et des trajectoires. Et voici que Vénus impose peu à peu une vision plus complexe, plus relative, plus rythmée de la notion de réussite, qui n’est plus seulement comme au temps de Mars, synonyme de pouvoir, de gloire ou d’argent.

Quand Mars regarde Vénus courir …

Que dire enfin de Mars qui regarde Vénus courir et réussir ? Surpris, touché, il reste néanmoins inquiet. Mais si elle sait courir toute seule, donc sans moi, à quoi vais-je lui servir ? De quoi va-t-elle avoir besoin ? Quelle est ma place auprès de cette femme qui s’assume si bien ? Que vais-je devoir faire pour qu’elle m’aime toujours, pour qu’elle m’admire encore, pour continuer de la surprendre ?

Je dis souvent que les plus jolies images de la course La Parisienne sont celles des papas venus avec leurs petits, sur le bord du parcours, avec mille mots tendres gribouillés fièrement sur des affichettes : « Allez maman ! On t’aime ! Tu es la meilleure ! Tu es la plus belle ! ». Présence, attention, encouragements, telles sont les attentes simples de Vénus, devenue athlète de la vie.

run-delphine-buissonLa réussite de Vénus n’éclipse pas la réussite de Mars : franchir la ligne d’arrivée ou voir franchir la ligne d’arrivée sont deux satisfactions différentes. Vénus même indépendante, a toujours besoin d’admirer son héros. Elle aime le supporter, en prendre soin. Nous avons à entrer dans une tempo différent : je cours, tu cours, je réussis, tu réussis, je cours pour toi, tu cours pour moi. Autrement dit nous devons accueillir l’alternance et le changement de rythme.

Comme en amour, parfois, je mène l’allure, parfois tu mènes l’allure, attentif au rythme de chacun et de soi-même alternativement. L’amour n’est pas une conversation : quand tu me parles, je T’écoute. Mais quand tu me fais l’amour, je M’écoute.

Aider à franchir la ligne d’arrivée est un plaisir immense car il est double : plaisir de donner et plaisir d’être accueilli et reçu dans son don. Mars et Vénus ont rarement le même rythme pour accéder au plaisir : renonçons à l’orgasme simultané à chaque étreinte ! L’essentiel est bien que chacun parvienne au sien ! Orgasmes bien sûr, mais aussi réussites, satisfactions, réalisations personnelles sont des lignes d’arrivée. Laissons à l’autre, notre compagnon de course, la possibilité d’y contribuer sans redouter le sentiment d’être en dette. Cessons de penser que réussir seul est plus remarquable que réussir avec l’aimable contribution d’autrui. Dire merci ne nous rend pas moins grands, mais assurément plus forts et surtout moins seuls. Merci n’est pas une reconnaissance de dette, mais une reconnaissance de don. Il n’y a qu’à comparer la jouissance issue de la masturbation solitaire ou celle issue de l’acte d’amour partagé qui mêle et unit, le temps de l’étreinte, deux peaux, deux souffles et deux désirs. Sur le terrain de l’efficacité, la masturbation l’emporte probablement. Faire l’amour toutefois mène à bien d’autres chemins et d’autres résultats : nuances sensuelles, étonnements charnels, découvertes de soi et de l’autre, exploration unique et privée du territoire de l’intimité créée, éphémère. Se caresser ou être caressé(e) ont si peu en commun. Il y a de la générosité à accepter le don, à condition que l’auteur de mon plaisir ou le contributeur de ma réussite, ne donne pas dans le but d’exercer son pouvoir et ainsi de constituer une créance sur moi, mais bien dans le but de co-construire mon plaisir, ma réussite, ma réalisation.

Nous avons à apprendre à être libres sans vivre seuls. Loin des chaînes de la gratitude ou de la culpabilité de ne pas être à la hauteur pour « rendre la pareille », il est urgent d’accueillir avec tendresse le don de l’autre. La douceur d’être en dette à quelque chose à voir avec le lâcher-prise.

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